Les expéditions

1982. Nicolas, alors âgé de 20 ans, part pour sa première expédition. Depuis plus de 40 ans, Nicolas parcourt le grand nord, en canoës, avec des rennes, des chevaux, en traîneaux à chiens…

Trucs et astuces

La préparation d’une expédition, toute une aventure!

Préparer une expédition de 6000 km en traîneaux à chiens à l’autre bout de la planète, c’est déjà une aventure en soi ! Deux années ont passé depuis que j’ai, pour la première fois, déroulé devant moi la grande carte de cette région du monde que je rêvais de traverser :

  • Mobiliser des partenaires pour le financement et le support technique, c’est le premier défi à relever!
  • Faire un repérage car les cartes ne disent pas tout! Mes équipiers, Pierre et Arnaud, sont allés pendant trois mois en Chine, en Russie et en Mongolie. J’ai fait pour ma part un repérage en Mongolie cet été.
  • Faire l’inventaire du matériel existant, acheter ce qu’il manque et l’acheminer par conteneur du Havre jusqu’en Sibérie.
  • Entreprendre les démarches administratives car une expédition de ce type (jugée insolite) nécessite des autorisations douanières, frontalières, vétérinaires…
  • Entraîner les chiens, l’été en kart et l’hiver en traîneau, pour en faire des champions.
  • Communiquer sur l’expédition et élaborer le programme pédagogique avec le Ministère de l’Education Nationale et les enseignants.

Mes chiens et moi sommes sur le départ, place désormais à l’Aventure !

Le campement, trucs et astuces !

A -50°C, le quotidien n’est pas une simple formalité de voyage ! Le moindre détail devient vital.
Quand je cherche une place pour le campement, je dois penser en priorité :

  • Au bois : seul combustible disponible dans la taïga. J’ai maintenant l’œil pour repérer l’arbre mort sur pied. Son tronc bien sec donne des bûches qui brûlent lentement et chauffent longtemps.
  • A l’eau : il nous faut beaucoup d’eau pour nous hydrater, moi et mes chiens. Faire fondre la neige peut prendre des heures… L’idéal est de dénicher une portion de rivière restée ouverte.
  • A me mettre à l’abri du vent pour ne pas me retrouver piégé par un blizzard.

Lors d’expéditions en équipe, on prend le temps d’installer un camp digne de ce nom : tente avec le poêle pour se réchauffer, branches de sapin pour s’isoler du sol… Là, ou pendant les courses, c’est différent, je dors à même le sol, sur un tapis qui m’isole de la neige, près de mes chiens.

Avant de dormir quelques heures, je fais un feu pour sécher mes vêtements et faire fondre la neige nécessaire pour cuisiner et s’hydrater. J’ôte ma grosse veste et mes chaussures, que j’enfouis au fond du sac de couchage, avant de m’y glisser à mon tour. Je garde avec moi un petit sac étanche contenant briquet, allumettes et morceaux de bougies. Tout près de moi, le bois est prêt pour allumer un feu dès mon réveil, avant que mes doigts ne gèlent !

Qu’est-ce que j’ai dans mon traîneau?

Comme j’ai l’habitude de le dire, le poids est l’ennemi du voyageur !
Deuxième consigne : bien répartir le poids, pour que le traîneau soit plus facile à diriger et à tirer.

Au fond, je place les gros équipements : la nourriture, les gamelles des chiens, les outils, le matériel de rechange comme des lisses pour les patins du traîneau et des harnais.

Sur le dessus du chargement sont calés la pharmacie, une hache, une scie, les bottines qui protègent les pattes des chiens, une lampe frontale et de quoi « snacker » jusqu’au prochain arrêt.

Je range à l’avant ce qui est plus léger : le tapis de sol, le sac de couchage et un bidon étanche avec les affaires les plus importantes (passeport, téléphone satellite, photos de mes enfants, vêtements de rechange…).

Par-dessus, je pose ce dont j’ai besoin pour l’étape à venir : bottines pour les coussinets des chiens, snack, pharmacie, lampe frontale et jumelles.

Tout près de moi, je mets dans un sac étanche bougies et allumettes, appareil photo, lunettes et thermos. Enfin, je glisse sur les côtés une paire de raquettes, une pelle et l’ancre à neige pour immobiliser le traîneau.

Résister au froid, des règles à suivre à la lettre

Les règles sont simples mais doivent être scrupuleusement respectées :

Règle n°1 : Être prudent. Par -40°C, seul sur la piste, il faut toujours garder sur soi de quoi allumer un feu dans un sachet étanche. Et le faire très vite en cas d’urgence !

Règle n°2 : Bouger. A ces températures extrêmes, seule l’activité physique permet de produire suffisamment de chaleur mais elle implique une grosse dépense d’énergie et… de calories !

Règle n°3 : Avaler des calories. Sur la piste, la nourriture lyophilisée, légère en poids mais très riche, est une bonne base puis le corps réclame ce dont il a besoin. A l’arrivée dans les villages, l’appétit se porte naturellement vers ces aliments « utiles » à l’organisme pour lutter contre le froid.

Règle n°4 : S’équiper. Superposer les couches de vêtements car ce sont des barrières qui emprisonnent la chaleur corporelle. L’air chaud captif est le meilleur isolant contre le froid extérieur, il ne faut donc pas être engoncé dans ses vêtements, ni serré dans ses chaussures pour permettre la circulation de l’air. Mixer nouvelles matières légères et fourrures (les gants notamment !) est un bon compromis. Pour dormir, un sac de couchage technique permet de se reposer même si le froid interrompt fréquemment le sommeil.

Le plus grand danger : la glace

Même en repérant minutieusement l’itinéraire, même en sécurisant la piste, même en « pratiquant » le Grand Nord depuis des dizaines d’années, le risque zéro n’existe pas… Nulle part et pour personne ! Sur l’autoroute en voiture, un des dangers c’est la vitesse, sur les fleuves en traîneau, c’est la glace ! Des zones imparfaitement gelées dues à un courant fort ou à un redoux et dissimulées sous une couche de neige sont le pire danger.

Le froid est souvent mortel si l’on passe au travers. Si on disparaît sous la glace sous l’effet du courant, on n’en ressort pas et se noie en quelques secondes. Si par chance, on parvient à s’extirper du bain glacé, on gèle instantanément à moins de se déshabiller et de parvenir à démarrer un feu très vite. Quelques minutes seulement avant d’être pris dans une gangue de glace, prisonnier de ses vêtements raidis par le gel.

Lors du Triathlon historique, après être passé dans l’eau glacée, j’ai failli abandonner la partie ! C’est tellement douloureux de se battre contre le froid que l’on est tenté de se laisser glisser dans cette mort « facile ». Une mort aussi rapide que fréquente chez les coureurs des bois du siècle dernier.

Autre danger : perdre son traîneau et ses chiens, au milieu de nulle part, sans matériel ni nourriture, les chances de survie sont alors limitées dans le temps…